Yves Lacourcière réagit aux propositions de la Politique culturelle du Québec

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Québec, le 18 juin 2018 Yves Lacourcière dévoilait le 12 juin dernier son rapport d’enquête sur l’état des lieux du patrimoine bâti intitulé Accusé de non-assistance à patrimoine en danger… ou la mort annoncée de nos patrimoines du bâti. Le même jour était lancé le projet d’une nouvelle Politique culturelle du Québec. M. Lacourcière considère que cet événement correspond plutôt à la présentation de la plateforme culturelle du Parti libéral du Québec (PLQ) et que cette nouvelle Politique a été déposée sciemment trop tard afin que son projet ne puisse cheminer jusqu’à un vote de l’Assemblée nationale avant les prochaines élections. M. Lacourcière réagit donc plus bas aux propositions présentées par la titulaire du ministère de la Culture et des Communications (MCC) en matière de sauvegarde du patrimoine bâti, sur la base des travaux décrits dans son ouvrage :

« La première proposition suggère un accompagnement et un soutien aux initiatives des communautés pour maintenir et sauvegarder les structures anciennes. Or, le Québec ne dispose pas des compétences techniques nécessaires pour donner suite à cette intention.

Il n’existe pas de formation reconnue par les ordres professionnels des architectes et des ingénieurs du Québec afin de rendre leurs membres aptes à intervenir adéquatement sur ce type de bâtiments. Ceux de ces professions qui possèdent quelques connaissances dans ce créneau les ont généralement acquises sur le tas, au hasard des chantiers.

Au Québec, il n’existe plus de travailleurs formés professionnellement de façon structurée aux pratiques des métiers traditionnels en demande sur les chantiers patrimoniaux (maçons, charpentiers, plâtriers, gens de toiture, etc.). L’État en est informé depuis 1993 et la Commission de la construction du Québec (CCQ) l’a reconnu (2015).

La ministre Montpetit devrait expliquer le type d’accompagnement qu’elle a à l’esprit et par qui elle compte remplir cette importante fonction qui ne fera que pallier à l’inexistence de ressources professionnelles.

L’autre proposition qui veut que le gouvernement se comporte de façon exemplaire lorsqu’il intervient sur les bâtiments patrimoniaux dont il a la responsabilité, se bute aux mêmes difficultés évoquées aux chapitres précédents. Les capacités d’agir sur le terrain n’existent pas.

Je suis heureux que la proposition de l’Ordre des architectes (OAQ) ait finalement été entendue, soit la mise en place d’une stratégie gouvernementale en architecture. Cette mesure pourrait inciter l’OAQ à former et à reconnaître de ses membres pour leur capacité spécifique à intervenir sur les seuls bâtiments que l’État protège par force de loi en vue de les transmettre aux générations qui nous suivent.

La ministre n’a pas rendu compte du bilan lamentable du MCC en matière de protection du patrimoine architectural. On peut le comprendre. En moins de 50 ans, 33 % du bâti qui raconte l’implantation de notre nation en ce Nouveau Monde a été irréversiblement détruit et les travailleurs des métiers traditionnels de la construction, patrimoine immatériel seul capable d’avaliser une volonté effective d’action sur les chantiers, sont aux portes de l’extinction. Il ne faut pas s’en étonner, l’État n’en forme plus depuis 1969.

Le MCC devrait s’interroger sur la qualité des interventions subventionnées qu’il a autorisées sur notre patrimoine bâti à coup de dizaines de millions de $. Elles ont été réalisées par des travailleurs n’ayant pas acquis les connaissances et les savoir-faire nécessaires. Il ne peut s’agir d’actes de maintien et de conservation visant à garder la meilleure authenticité à ces marqueurs culturels les plus importants de notre identitaire national après la langue. 

La proposition du PLQ en matière de protection et de transmission du visage de notre culture n’apporte aucun correctif à cet état des lieux intolérables, allant à l’encontre de l’intention du législateur et des préceptes de l’UNESCO.

Tant que le MCC ne reconnaîtra pas que les sorts de notre bâti ancien et des métiers traditionnels de la construction sont liés telles les faces d’une médaille, la CCQ ne donnera pas suite à son intention de former professionnellement de ses membres à ces métiers précieux, et nos patrimoines du bâti continueront d’être détruits jour après jour sous le regard absent du MCC, laissés à la seule surveillance des médias et des groupes de bénévoles ».

 

À PROPOS D’YVES LACOURCIÈRE

Ses expériences variées et multidisciplinaires, combinées à ses formations universitaires en génie civil, en administration publique et en ethnologie appliquée, font de lui un analyste de premier ordre de la situation qui a mené ces métiers indispensables au seuil de l’extinction. Depuis 1987, il consacre l’essentiel de ses efforts à faire reconnaître la spécificité et le rôle inéluctable des métiers traditionnels de la construction par les institutions qui en ont la responsabilité, le MCC et la CCQ.